On a tous une vision du futur, sûrement erronée, que l’on embellit ou au contraire que l’on noircit. Le futur, qu’il soit dans 10, 20, 30, 50 ans, ou qu’il soit juste à notre porte est source d’inspiration et de peurs.  De quoi sera-t-il fait ? Serons-nous toujours aussi humains ? Les intelligences artificielles deviendront elles nos futures concitoyennes ? Les voitures voleront elles ? Et que dire de la surpopulation ou encore de la pollution ? Tant de questions auxquelles les films tentent de répondre d’une façon ou d’une autre. Mettre sur écran nos peurs et appréhensions de l’avenir, voilà le rôle de la SF.

Ces derniers temps, il y a eu une sorte de boom cinématographique, notamment avec des revisites de certaines œuvres cultes comme la saga Alien, ou Ghost in the Shell. Tous s’inclinant face à leurs prédécesseurs.

Et cette semaine sortait en salle la suite du cultissime Blade Runner de Ridley Scott.

Donc un petit retour en arrière pour se situer semble s’imposer (pour ceux qui ne se souviennent plus ou ne savent pas) :

(Ps : il faut cliquer sur les rectangles colorés pour découvrir des textes cachés …)

Bref retour en 1992

Le Blade Runner de 1992 c’est :

L’histoire de l’humanité qui dans les dernières années du 20e siècle part à la conquête de l’espace, fuyant les mégalopoles devenues insalubres, où plus aucune trace de faune et de flore ne peut être détectée. Celle-ci crée alors sur les colonies une race d’androïdes surdéveloppées que l’on ne peut distinguer de l’être humain, utilisée comme esclaves : les réplicants. Le film se concentre sur Los Angeles, en 2019, où après une mutinerie sur l’une des colonies, les réplicants de type Nexus 6 (qui est le modèle le plus perfectionné de la Tyrell Corporation) sont déclarés hors la loi sur terre et seraient donc recherchés, afin d’être retirés par des agents spéciaux que l’on appelle des Blade Runner. Rick Deckard, agent de cette unité spéciale est alors contacté par un ancien policier dans le but de trouver quatre réplicants faisant parti des Nexus 6.

Ce qui a rendu ce film si inoubliable, le faisant entrer dans le nec plus ultra des films d’anthologie, c’est notamment sa complexité, se positionnant comme film visionnaire et bien en avance sur son temps, ayant sa place dans l’histoire du cinéma. Il proposait des décors extraordinaires, délivrant « l’horreur d’un futur immédiat » (Danièle Heyman et Alain Lacombe dans L’Année du cinéma 1983), surtout grâce au travail de Douglas Trumbull qui s’occupait dès lors des effets spéciaux du film.

Mais également d’une interprétation remarquable de la part d’Harrison Ford et de Rutger Hauer, « alternant entre gestes violents et passivité interrogative ». Pourtant, il fut très contesté à sa sortie, jugeant notamment le rythme beaucoup trop lent du film. En clair, certains points sortaient du lot (surtout vis-à-vis du travail sur le dessin des décors et les architectures pour « créer une lumière d’aquarium » (Alain Philippon dans Les Cahiers du Cinéma), mais également sur son atmosphère particulière qui perce l’écran) tandis que d’autres sont un peu plus à déplorer (comme par exemple les questions philosophiques sont bien plus abstraites et ne trouvent pas la matérialisation qu’apporte le roman dont il s’inspire).

Ce n’est que quelques années plus tard que les critiques se sont adoucies et sont devenues bien plus positives envers le film. Là où cela a vraiment créé des conflits au sein des critiques, mais aussi chez les fans, c’est dans l’ambiguïté de l’identité du héros. Notamment avec les différentes versions proposées par les producteurs (Workprint (version de test), The U.S. Theatrical Cut (sortie en salles américaines), International Cut (sortie en salles internationales), Director’s Cut (version modifiée et approuvée par Ridley Scott) et Final Cut(version définitive sous le contrôle de Ridley Scott). Qui diffèrent par leur montage, leur date de sortie, et par le responsable des modifications artistiques.).

Venons-en donc à notre petit nouveau : Blade Runner 2049 de Villeneuve.

Résumé

Petit synopsis par Allociné :

« En 2049, la société est fragilisée par les nombreuses tensions entre les humains et leurs esclaves créés par bioingénierie. L’officier K est un Blade Runner : il fait partie d’une force d’intervention d’élite chargée de trouver et d’éliminer ceux qui n’obéissent pas aux ordres des humains. Lorsqu’il découvre un secret enfoui depuis longtemps et capable de changer le monde, les plus hautes instances décident que c’est à son tour d’être traqué et éliminé. Son seul espoir est de retrouver Rick Deckard, un ancien Blade Runner qui a disparu depuis des décennies… »

(http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=197686.html)

Il s’inscrit dans la continuité de son prédécesseur, mais, contrairement à lui, il propose un côté plus lumineux quant au futur de cet univers. Je m’explique :

En comparaison avec l’original, ce film s’ouvre sur un plan où l’image inonde par sa lumière, bien que pâle, elle offre un décor blanchâtre, là où le Blade Runner initial s’ouvrait sur un paysage fait de buildings insalubres plongés dans le noir le plus total.

Pareillement, ce que K découvre au pied d’un arbre mort (peut être la civilisation qu’ils connaissent et qui se meurt peu à peu) en début du film est une fleur jaune (couleur chaude qui va revenir très souvent dans le film, créant tour à tour lueurs d’espoir et angoisses, et qui s’oppose ainsi aux couleurs froides dominantes) qui symbolise le renouveau.

C’est un renouveau que l’on veut cacher, garder secret. Tout le film tourne autour de ces thématiques là : du renouveau, du futur inquiétant, de l’espoir et des peurs… Que de portes ouvertes par son prédécesseur que le film continue à enfoncer, mais avec plus de dextérité.

Il ne s’agit pas de refaire ce qui a déjà été fait, il s’agit d’aller plus loin.

Artistiquement, le film offre un spectacle orgasmique : les décors, les sons, le jeu des lumières… Villeneuve ne souhaite pas donner du spectaculaire par les actions de ses acteurs, il donne du spectaculaire dans ses paysages, dans ses plans, tout est méticuleusement choisi. On ne veut donc pas du grandiose mais du réel, donner des actions qui sonnent vrai. Et cela se transmet à un point près par la difficulté de se battre. Ce sont des scènes où il y a peu de bruitages, peu de mouvements parfaitement exécutés, l’action est ancrée dans ce qui pourrait être le réel (et je ne parle pas effectivement ici de notre ange ninja qui exécute des danses de combat à la perfection). C’est un film qui choisit la texture, le concret, qui donne cet aspect de brut, d’organique, de sensitif, c’est un film qui donne l’impression du vrai.

Le choix esthétique des couleurs vives qui vient se coupler harmonieusement aux jeux de luminosité et photographie que propose Roger Deakins y participe également. On ne met pas les têtes d’affiche en valeur, on les dissimule dans le noir, on joue avec les représentations, on déforme, créant ainsi une atmosphère lourde en signification.

Parenthèse

(Ceci dit en passant, je ne souhaite pas trop revenir dessus, mais je tiens à souligner que nous tenons peut être un des meilleurs rôles de la carrière de Ryan Gosling… et pourtant, c’est dire que j’ai aimé La La Land ! Bref, fermons cette parenthèse.)

En parlant de signification, j’aimerais en parler en quelques lignes simplement. Pas besoin d’en faire une dissertation, mais au moins aborder les grandes lignes.

5 grand thèmes apparaissent (j’en oublie par ailleurs sûrement certains, mais voici ce que j’ai réussi à en sortir après deux visionnages) :

  • Le thème de l’enfant et de la parenté
  • La place de l’Homme dans la société
  • L’Odyssée (ou recherche de soi)
  • L’Humanisation
  • La déontologie
  • Le futur et l’espoir
Explications

Les quatre premiers thèmes peuvent tous êtres traités les uns avec les autres, ce qui fait que l’on pourrait les regrouper sous le thème commun de l’Homme. Dans ce film, être humains et machines se croisent, cohabitent (plus ou moins bien), mais une seule chose les sépare : la parenté. En effet, une machine à un créateur et non un géniteur, ce qui fait d’elles des êtres inférieurs aux yeux des humains. Qu’est ce qui rend plus humain ? Quelle est la définition même de l’être humain ?

En effet, la question sur l’humanisation touche également la parenté et s »y l’on veut aller encore plus loin, le complexe d’oedipe.

Il s’agit dans ce film de la question principale : la parenté, la recherche de soi (ou odyssée), la place de l’être humain dans une société qui semble l’écraser (paysages à perte de vue, villes gigantesques, panneaux publicitaires géants : l’homme n’est rien, il est perdu dans la masse) et surtout l’humanisation. On se sent par ailleurs bien plus proche dans ce film d’être non humains (K ou Joi) que des être qui le sont. La limite est distincte mais parait pourtant si floue.

Également, la question de la création pose celle de la déontologie : qu’est ce qui donne le droit de détruire (ici de retirer) ce que l’on a créé ? A un moment, on demande a K de partir retirer ce qui pourrait poser problème pour l’avenir de la société, pourtant celui-ci refuse car cela ne lui parait pas juste. Qu’est ce qui alors devient juste ou non ? Peut on détruire la création d’une création ? (Tiens, cela me rappelle bizarrement un des thèmes d’Alien Covenant )

Et enfin, la question du futur angoissant mais également de la lueur d’espoir. Tout au long du film, des petits indices symbolisent cette lueur d’espoir naissante : la première étant cette fleur que l’on place dans un sachet plastique, puis la rencontre avec cette scientifique des rêves qui vit dans sa bulle blanche, ou encore ce chanteur hologramme à Las Vegas en version miniature qui est également sous une bulle… L’espoir est quelque chose que l’on souhaite garder, certains le dissimulent (les répliquant dans leurs aquariums chez Tyrell) pendant que d’autres veulent la protéger. Elle s’oppose ainsi au noir avenir tracé jusque là, apparaissant par endroits, là où on ne l’attend pas forcément.

Pour conclure, voilà ce que je pourrai dire de ce film :

Il s’agit d’une claque qui mérite d’être prise. J’ai eu du mal a comprendre ce qui m’arrivait a la fin du film, on en a pas parlé directement, j’ai eu besoin d’y retourner pour bien mettre le doigt sur ce que j’aurais aimé comprendre dès le premier visionnage. Je pense qu’il s’agit d’un film qui est difficile de comprendre simplement en y allait une seule fois, il lui faut du temps (d’où ses longues 2h40). Il est impressionnant mais ne l’est pas à la fois : il n’y a pas de spectaculaire comme dans tout blockbuster lambda. C’est un film d’ambiance prenant mais qui malheureusement ne creuse pas assez à mon goût toutes les thématiques qu’il propose. Pourtant, c’est un très gros travail artistique qui est mis à l’écran. Donc conclusion, je n’ai pas été déçue.

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