Zoé grospiron

« Si je m’impose telle que je suis, que je surfe, que j’ai envie de prendre cette vague et que je la prend, alors à ce moment il y aura du respect et cela peu importe le sexe »

© Hunter Thomson

Si vous avez plus de 40 ans ou que vous vous intéressez au ski, ce nom doit certainement vous dire quelque chose. En effet, Edgar Grospiron, c’était LE champion de ski de bosses dans les années 90. Cependant, aujourd’hui nous ne parlerons pas de lui, mais plutôt de sa fille, qui elle aussi est devenue une athlète hors-normes. Classée dans le top 10 mondial, elle est l’image de Biarritz pour les prochains jeux de Paris. Zoé Grospiron, jeune longboardeuse biarrote, est le nom que l’on doit retenir quand on parle de ce sport. Du haut de ses 20 ans, elle est aussi douée sur la neige que sur l’eau.

Portrait d’une force tranquille de la nature.

Une silhouette élancée, de longs cheveux blonds décolorés et une peau bronzée par le soleil, pas de doutes, la personne avec qui je suis en visioconférence aujourd’hui est bien une surfeuse. Postée face à la caméra, à plusieurs kilomètres d’où je me trouve, covid-19 oblige, elle arbore un grand sourire. Zoé à 20 ans et est aujourd’hui une des meilleures longboardeuses mondiales.  Elle est également étudiante en 1ere année de Bachelor à Bayonne en école de commerce. Elle se décrit comme passionnée de surf et de sport en général. Elle aime également tout ce qui touche l’artistique et le créatif comme la danse ou la cuisine. Car le longboard, bien plus qu’être une discipline dite « extrême », c’est aussi une discipline qui laisse une grande place à l’artistique. Et c’est vrai que lorsque l’on voit Zoé sur les réseaux sociaux, la jeune fille semble voler au-dessus de l’élément liquide, tantôt dansant, tantôt voguant au-dessus de l’élément liquide.

Compétitrice dans l’âme

Originaire des Alpes, sa carrière semblait toute tracée dans le ski avec ses deux parents, l’un étant champion olympique de ski bosses, l’autre étant une compétitrice de ski alpin. Aujourd’hui, cela va faire 8 ans que Zoé habite avec sa mère et sa sœur à Anglet, sur la côte basque. Elle a débuté le surf alors qu’elle avait 15 ans et s’est mise au longboard 3 jours seulement avant sa première compétition. Zoé se remémore : « Je faisais du ski à haut niveau. J’étais en ski-études,  à un niveau national et je commençais à peine à faire les stages pour passer un autre cap. Et mes parents ont divorcé. J’ai dû suivre ma mère, même si au départ je ne voulais pas. J’étais vraiment accrochée au ski et je voulais vraiment percer dans ce milieu. Maintenant, je suis super contente car j’ai une vie de malade ! ».

Après deux années de planche en mousse dans un club, « Le Basque », c’est son beau-père qui lui achète sa toute première planche. « C’est là que j’ai commencé à réellement surfer » explique-t-elle. En 2015, son club lui propose d’ouvrir une toute nouvelle section dédiée au longboard, « ils trouvaient que j’avais une bonne glisse et que je m’en sortais bien » continue Zoé. C’est après avoir déniché un longboard d’occasion qu’elle se lance dans sa première compétition. « Pendant celle-ci on devait être 5-6 filles d’ici » se remémore-t-elle. « C’était seulement une compet départementale, et pourtant cela m’a vraiment plu de retrouver cet esprit de compétition que je connaissais grâce au ski. De me challenger, d’avoir l’adrénaline, le stress, mais en même temps de prendre tellement de plaisir en surfant… depuis ce jour-là je n’ai plus quitté mon longboard ».

Une affirmation que sa mère, Nathalie, rejoint : « de toute façon,  la compétition elle l’a dans les gênes. On l’avait inscrite au club des sports alpins à La Clusaz. Elle a fait de la compétition jusqu’à 12 ans et ça marchait plutôt bien ». Puis avec le déménagement, elle a dû retrouver autre chose auquel s’accrocher. Et l’océan semblait tout bien indiqué : « Zoé à tout de suite accroché » confirme Nathalie.

A ce moment-là, la compétition en shortboard ne semblait pas accessible à Zoé, car comme l’explique sa mère, « il y a des sports comme le ski alpin ou le surf où il faut commencer dès le plus jeune âge ». Et comme le longboard était encore un sport en devenir, Zoé s’est naturellement fait happer par celui-ci. Ce qui lui vaut aujourd’hui, une 8e place mondiale. « Je suis une compétitrice dans l’âme, ça c’est sûr » rigole Zoé derrière l’écran. « Après il y a des moments dans mes sessions d’entraînement où je ne vais pas forcément être agréable à l’eau. Je ne suis pas là pour sourire. Je ne suis pas là pour me faire des potes. Je ne suis pas là pour parler. À l’inverse, il y a des sessions où j’ai juste envie de me relâcher, de m’amuser, de sentir les vagues, l’océan, de papoter ou rencontrer d’autres gens. Ça va dépendre des sessions, de mon entraînement… par contre si j’ai envie d’avoir une vague, même en session plaisir, je vais tout faire pour l’avoir ». 

Et a aucun moment Zoé ne s’est dit qu’étant une femme, elle n’avait pas accès à ces types de sports. Au contraire, pleine de convictions, elle explique : « que je sois une fille ou un homme, si j’ai envie de faire du surf je vais surfer. Si je m’impose telle que je suis, que je surfe, que j’ai envie de prendre cette vague et que je la prends, alors à ce moment il y aura du respect et cela peu importe le sexe ».

« Une énergie de vie très intense »

Mais comme le répète Zoé, si aujourd’hui elle est arrivée à ce niveau, ce n’est pas par magie. C’est en effet, le fruit d’années de dur labeur dans un milieu pas forcément très accessible pour quelqu’un venant de la montagne.

La jeune longboardeuse est décrite comme étant une personne exigeante, perfectionniste, qui a beaucoup d’énergie et qui est extrêmement souriante ou joviale. « Elle a une énergie de vie déjà naturellement très intense » confie sa mère, Nathalie. « Je le mets aussi en lien avec quand elle était petite car c’était une enfant qui ne dormait pas beaucoup… en fait elle demandait toujours de l’attention en étant hyper créative et joviale. Elle avait beaucoup d’énergie et un rayonnement qui faisait que les enfants voulaient être amis avec elle. Elle avait un espèce de leadership important petite. Elle captait même les adultes car elle dansait incroyablement bien. Très créative et très sportive depuis toujours ».

Nathalie continue de s’étonner sur sa propre fille : « elle est douée. En peu de temps elle est arrivée à un top niveau mondial alors que la plupart des filles sur ce circuit sont de Hawai,  de Californie ou du Brésil. Elles sont pratiquement nées avec un surf, là où Zoé est née avec des skis sous les pieds. Il y a ça d’étonnant chez elle. Elle a quelque chose d’instinctif avec la glisse ou la notion de performance. Elle, son truc, c’est vraiment être performante, que cela soit dans les cours ou dans le sport. Dans tout ce qu’elle entreprend, elle a cette dynamique de réussir. C’est ça qui l’anime, c’est son tempérament ». 

Réussir. Se donner. À fond.

Si nous devrions définir Zoé Grospiron, c’est bien comme cela. Une fille qui se donne toujours à 300% de ses capacités

© Tommy Pierucki

© Tommy Pierucki

© Camila Serejo

© Camila Serejo

Sa meilleure amie, Maureen, explique comment Zoé a toujours tout mis en place pour obtenir ce qu’elle voulait. « Que cela soit dans le sport ou à l’école, c’est une personne hyper appliquée et hyper organisée. Elle m’a toujours poussée vers le haut. Elle me proposait toujours de faire les devoirs ensemble ou elle me rappelait à l’ordre en me disant : ‘attends avant d’aller à la plage, il faut faire nos devoirs’ ». Elle nous explique le combat que Zoé a dû mener pour ne plus être simplement « la fille d’Edgar Grospiron » et pour s’affranchir en tant qu’athlète. « Même si son père est hyper connu, je sais que c’est toujours elle qui a contacté les personnes avec qui elle souhaitait travailler ». Aujourd’hui, cela porte ses fruits, Zoé n’est plus simplement la fille d’un grand skieur, elle est devenue une longboardeuse reconnue.

Mais devenir sportif de haut niveau, c’est surtout devoir faire des sacrifices. Aujourd’hui, Zoé compte ses amis sur les doigts d’une main. Elle ne sort pas, ne boit pas, fait attention à son hygiène de vie et se lève tous les matins pour aller surfer à 6h. « Elle ne prend pas tout cela comme des concessions » continue Maureen, « pour elle c’est un réel plaisir de se lever à 6h pour aller surfer plutôt que de ne faire une grasse matinée parce qu’elle est sortie la veille ».

La jeune athlète garde les pieds sur terre. « Malgré tout ce qui lui arrive, c’est vraiment quelqu’un qui garde la tête sur les épaules. Elle n’est jamais déconnectée. Sa mère lui a toujours répété que quoi qu’il se passe, c’était hyper important de rester soi-même » explique Maureen.

Aujourd’hui, en plus d’avoir sa carrière de sportive de haut niveau, elle se consacre à un bachelor communication avec l’envie d’obtenir à minima un BAC+3. « C’est une travailleuse, elle adore apprendre, elle étudie, elle est à fond dans ce qu’elle fait » commente Nathalie sur ce sujet. « S’il faut qu’elle soit à fond sur son devoir et ne pas aller surfer, elle le fait et elle ne laisse pas tomber » renchérit sa meilleure amie. « Elle pourrait se dire comme beaucoup d’autres, je deviens professionnelle et je laisse tomber mes études, mais elle ne le fait pas ». Et en effet, Zoé sait garder la tête froide. Naturelle, elle ne tombe pas dans le paraître, même si elle commence à être dévisagée et reconnue dans la rue. « C’est quelqu’un qui reste elle-même et ça c’est vraiment bien. C’est surtout grâce à ses parents qui ne l’ont jamais lâchée. Sa mère est un peu stricte mais ça a porté ses fruits » conclut Maureen.

« Tu vas devoir redoubler d’efforts

pour te faire une place »

Lorsque le choix du site olympique de surf Paris 2024 était en train de se faire, Zoé fut choisie pour être porte-parole de la ville biarrote. Maureen explique comment la jeune femme a été mise à rude épreuve contre plusieurs candidatures masculines : « elle a eu l’impression de devoir rendre plus de documents et de devoir faire ses preuves pour arriver à ce niveau. Comparé aux hommes qui, d’après Zoé, n’avaient rien fait ou n’avaient pas montré le même investissement ».

Mais bien que son investissement ait payé, Maureen raconte cette sensation d’aigreur : « elle a l’impression que personne ne lui porte la moindre attention… Lors d’une réunion, Kelly Slater avait toute l’attention de l’auditoire. Alors qu’elle avait eu plus de difficultés pour se faire entendre et prendre sa place. C’est vraiment difficile de faire entendre son opinion quand tu es jeune et qu’en plus tu es une fille. Certes tout le monde n’est pas obligé d’être d’accord mais qu’au moins on l’écoute. Son père, Edgar, qui est un athlète de haut niveau, lui avait même dit ‘je pense que tu vas devoir redoubler d’efforts pour te faire une place en tant que sportive féminine comparé aux hommes qui ont déjà leur place et sont pris au sérieux’ ».

Cependant, Zoé garde la tête haute. La place des femmes dans la société est une cause qui lui tient à cœur. Et pour rien au monde, elle ne compte lâcher son sport ou ses convictions. « Pour moi, quand on est sportif peu importe le sexe » explique la longboardeuse. « Après c’est sûr que des fois on doit faire un peu plus, montrer un peu plus. On doit démontrer que les femmes peuvent être des athlètes de haut niveau. Mais je pense que les choses ont évolué. Les gens autant que les médias commencent à comprendre que les femmes peuvent être des athlètes incroyables tout autant que les hommes ».

Merci Zoé.

© Tommy Pierucki

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