Jéromine Louvet

« C’est pas plus violent que le football ! C’est un sport comme un autre, on est obligé d’apprendre comme partout. Puis tant pis pour ceux qui pensent que les sports extrêmes sont réservés qu’aux mecs. Car une fille a autant sa place sur un skatepark qu’un mec , il n’y a marqué nulle part : réservé aux hommes ! ».

© Thais Rivière

© Thais Rivière

Pour transmettre, ça roule !

Qui a dit que le skate était exclusivement réservé aux hommes ? Certainement pas la jeune rideuse toulousaine Jéromine Louvet. Du haut de ses 17 ans, Jéromine réussit à allier skate et études. Elle partage notamment sa passion pour la glisse grâce à l’association Toulousaine Copain Coping où elle dispense des cours à de jeunes skateuses.

« Lève plus tes genoux ! ».

De l’extérieur on peut entendre les cris et les bruits métalliques des trucks taper. Nous sommes début octobre, le temps est maussade et nous avons rendez-vous derrière la gare Matabiau, où se situe le seul skatepark indoor de la Ville rose, avec une skateuse de l’équipe de France, Jéromine Louvet. Après avoir enjambé plusieurs flaques d’eau et passé les portes anti-bruit on arrive dans un grand hangar transformé en skate park éclairé à la lumière orangée. On peut voir défiler plusieurs skaters depuis l’entrée. La seule chose qui interpelle, c’est que tous les amateurs présents sont de sexe féminin. Chose rare au sein d’un skate park.

Au milieu, à dix mètres des élèves postées sur un module, une petite femme à l’allure garçonne d’un mètre 60, donne des conseils avec un grand sourire. C’est Jéromine. Vêtue d’un pantalon rose, d’une veste noire et d’un bonnet, elle s’occupe des rideuses qui ont moins de dix ans. Ce soir, on essaie de passer une table de trente centimètres. « Quand tu veux faire un ollie, il faut vraiment que tu grattes vers l’avant » explique-t-elle à l’une des ses élèves qui lui tient les mains pour ne pas tomber à la renverse.

Ce soir, au skatepark Lepetit, c’est Girl’session. Autrement dit, un créneau de quatre heures exclusivement réservé au sexe féminin avec en prime, des cours de skate donné par des filles, pour les filles.

Une passion partagée

Nous sommes rejoint par Sasha, une fille qui initie également au sein de l’association.

Elle n’est pas très grande, a les cheveux bruns et porte un pantalon large laissant dépasser ses chaussettes de skate. Très rapidement, elle m’explique que Jéromine vient lui donner un coup de main bénévolement. Les cours de skate féminin on fait carton plein trop rapidement et Sasha s’est tout de suite vue noyée sous la demande… « J’ai donc appelé Jéromine à la rescousse car elle skate vraiment bien et sait s’y prendre avec les petites, même si c’est encore un peu brouillon ». Sasha connait Jéromine depuis son arrivée à Toulouse il y a quatre ans. Elle a d’abord entendu parler d’elle par le bouche à oreille comme étant la skateuse avec un grand S de Toulouse, sponsorisée par le shop du coin. Elles se sont croisées au fil des contest de skate et sur les parks et ont fini par bien se côtoyer : « Quand on skate ensemble c’est hyper motivant, elle essaie toujours de me tirer vers le haut ».

D’après Sasha, elle a une vision du skate qui reste vraiment axée sur la compétition, ce qui implique une certaine rigueur dans sa double vie d’étudiante et de skateuse haut niveau. « Je viens tous les lundis avec Jéromine, et ça me fait plaisir car voir une nana qui se débrouille ça motive les petites à skater. Surtout qu’elle le fait uniquement pour le plaisir » m’explique-t-elle.
Aujourd’hui, Jéromine ne fait plus vraiment attention avec qui elle skate, que cela soit filles ou garçons, ce n’est pas gênant pour elle. Elle est d’ailleurs loin de ces idées toutes faites de féministe à ne traîner qu’avec des filles. Cependant, elle et Sasha se retrouvent sur le fait que pour débuter c’est mieux de commencer avec des sessions filles.

D’humeur joviale, toujours le sourire aux lèvres, Jéromine est très sociable. « Quand on voit sa motivation et son entrain à vouloir partager sa passion, ça fait vraiment plaisir » continue Sasha « Je la trouve marrante, on se tape plein de délires toutes les deux bien qu’elle sache également être sérieuse quand il le faut. Elle est dans le conseil et le partage. Ce qui est très important pour les petites du club ! Elle fait office d’exemple à suivre ».

Une vie dédoublée

« C’est tout pour aujourd’hui ! Vous pouvez vous applaudir ! ». Fin du cours pour Jéromine. On va s’asseoir sur le canapé au chaud dans le salon qui fait office de bureau et de pièce à vivre de l’association. Car dans le hangar, il fait un froid de canard quand on n’est pas en pleine action. Jéromine a 17 ans et n’est qu’en 1ere STL (Sciences Techniques de Laboratoire) au lycée Stephane Hessel de Jolimont. Et en dehors du lycée comme toute adolescente de son âge, elle aime sortir, être avec ses amis, faire la grasse matinée et déteste devoir faire sa chambre ou les jours de pluie. Mais ce qu’elle aime plus que tout reste le skate.
Passionnée depuis son plus jeune âge, elle arrivait à fausser compagnie à sa famille pour aller voir les amateurs qui ridaient à côté de l’aire de jeux alors qu’elle n’avait que 3 ans.
C’est donc tout naturellement qu’elle eu sa première planche à 4 ans sur le catalogue de noël de l’entreprise de son paternel : « Je m’en rappelle très bien, elle faisait la taille de mes deux pieds en longueurs et il y avait Spiderman de dessiné dessus ! Puis je me suis réellement mise au skate à fond à partir de mes 7 ans . Mais s’y j’en suis arrivé là aujourd’hui c’est grâce à ma famille qui m’a toujours soutenue ».
Aujourd’hui, Jéromine fait partie de l’équipe de France de skateboard. Elle a été repérée lors des championnats de France il y a 2 ans et compte participer aux prochains jeux olympiques qui auront lieu à Tokyo en 2020. « Jamais je n’aurai pensé que j’en arriverai là » s’exclame la jeune skateuse. « J’ai saisi la seule chance de commencer une carrière de dingue, et voilà que je vais participer aux premiers jeux olympiques de skateboard ». Cette année, elle a participé à plusieurs étapes pour emporter des points pour les jeux en faisant ses premiers championnats du monde à Rio et Londres, entourée de tous les grands noms du skate : « c’était dingue » m’explique-t-elle les étoiles pleins les yeux. « Après, ce n’est pas parce que je lance ma carrière dans le street que je vais arrêter le bowl. Car je pars du principe que pour être bon en street, il faut savoir être bon en courbe et inversement ». Mais bien qu’elle parle de sa carrière, le coeur de Jéromine balance. Elle sait qu’il faut garder les pieds sur terre : « Cette carrière, c’est vraiment ce que je veux… après comme dans tous les sports, ce n’est pas facile d’y percer, ni de se faire une place et un nom. Puis à tout moment tu peux te faire mal et ne plus jamais monter sur ta planche, c’est pour ça que je veux à tout prix avoir un bac. Et après essayer de continuer mes études avec le skate en  parallèle…»

Une athlète engagée

En plus d’allier sport de haut niveau et études, la cadette de notre magazine s’engage dans toutes les causes qui lui tiennent à cœur: « Cette année je suis rentrée dans un comité qui s’appelle le CAL (Comité d’action lycéen) qui essaie d’apporter les lumières nécessaires sur notre actualité en tant que lycéens. Et j’ai également beaucoup manifesté pendant les marches pour le climat ».
Mais la cause qui lui parle le plus reste la place des filles dans le skate. C’est pour cette raison qu’elle aide l’association Copain Coping. « De plus le fait d’aider des débutantes me fait également progresser, c’est très enrichissant comme expérience » continue-t- elle de m’expliquer. « Je ne dirais pas que c’est gratifiant mais tu es contente quand tu vois que tu as mis le cœur à l’ouvrage et qu’à la fin il y a de la progression et du rendement. C’est trop cool ! ».

La Girl Session permet dans un certain sens de casser les stéréotypes continue en riant Jéromine. Elle me raconte toutes ces petites filles qui viennent habillées en rose et dont les parents n’ont plus vraiment peur qu’elles tombent. « Car oui le skate, tu te fais mal… et forcément ça fait moins féminin » grimace Jéromine. « Mais bon… c’est pas plus violent que le football ! C’est un sport comme un autre, on est obligé d’apprendre comme partout. Puis tant pis pour ceux qui pensent que les sports extrêmes sont réservés qu’aux mecs. Car une fille a autant sa place sur un skatepark qu’un mec , il n’y a marqué nulle part : réservé aux hommes ! ». Sa seule espérance reste qu’avec les JO le skate devienne plus médiatisé, afin que l’image des filles de la contre-culture évolue enfin.

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© Thais Rivière

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