C’est la boule au ventre que je me suis présentée devant les portes de mon cinéma fétiche, un jeudi après-midi à 14h.

Alien Covenant est sorti hier, et surprise, pour une séance en VOSTFR ils avaient mis le paquet : la séance se déroula dans la plus grande et prestigieuse salle du cinéma, simplement pour une dizaine de personnes, avec le plus grand écran, le DOLBY ATMOS au rendez-vous, donc pour résumer tout cela : niveau qualité image / son, je crois que nous étions au paroxysme de ce que peut produire un cinéma lambda.

Mais n’était est ce pas simplement un montage fou afin de faire passer au mieux le plat réchauffé qui allait nous être servi ?

(ça c’est moi pendant et après le visionnage de Covenant)

Comme beaucoup de fans, j’attendais ce film, oui, non pas comme Prometheus qui arriva tel un cheveu dans le bon vieux potage de mamie que l’on adore déguster et revisiter une fois de temps en temps. Non, au contraire, ce film, était attendu… Il se proposait comme le Messi, venant sauver ses disciples maltraités après la venue au monde du renégat. Celui-ci qui aux yeux même de son créateur était renié, « non ce n’est pas un pré quel à Alien », mon cul oui. Un nouveau film donc, créé dans l’unique but de réussir à sauver l’honneur d’une saga qui aurait dû s’arrêter à son volume deux, ou trois…

C’est la boule au ventre que je me suis donc, assise sur ce siège rouge, et c’est dans l’incompréhension et le mitige que je m’en suis relevée. J’ai ressenti un vide à sa sortie. Non pas un vide « existentialiste » ou un vide lié à tout chamboulement qu’aurait pu et dû créer le film en moi… Non un vide pur et dur, simpliste. Et cela m’a énormément travaillé… Comment peut-on ressortir ainsi d’un film qui se veut dans la continuité (ou plutôt dans ce qu’il se passe avant) d’une saga qui créa cet enthousiasme cinématographique en mon être ? Qui me donna cette envie de faire des études dans le cinéma ?

A chaud, cela fut dur à dire… Ai-je aimé ? N’ai-je pas aimé le film ?

Certes, c’est un « bon » film de SF, mais que n’importe quel réalisateur aurait pu faire. Ici, c’est Ridley Scott, LE Créateur avec un C majuscule. Celui qui se définit comme tel d’une saga anthologique. C’est son bébé. Et il nous l’a bien fait comprendre.

Donc à la réponse ai-je aimé ou non ce film … Mon avis est encore mitigé…

Oui, certes, j’ai apprécié le film car cela me permettait de me replonger dans une saga que je considère comme « doudou », car je n’ai pas vu le temps passer, car j’ai eu peur c’est vrai a certains passages, ok…, car j’ai pris une sacrée claque visuelle sur les paysages et durant les premières minutes du film, ok…

Mais est-ce simplement sur cela que l’on doit fonder un avis pour savoir si un film est foncièrement bien ou mauvais ?

 

Je revois ma professeur d’analyse cinématographique me rabâcher : « il faut mettre de côté tes sensations et émotions et primer sur l’essence même du film, sur ce qui est dit comme jugeable ».

D’accord, donc soyons clair, si je mets de côté mes émotions de visionneuse lambda, ce film est à mon grand regret non pas seulement un mauvais film de SF, mais un mauvais film de Ridley Scott.  Pas aussi mauvais que Prometheus, je le conçois, mais un mauvais film Alien tout de même.

Donc, cela revient à poser la question suivante : Pourquoi Alien Covenant est-il un mauvais Alien ?

(Attentions spoilers ! Petits mais spoilers tout de même. Donc pour ceux qui ne veulent éviter aucun spoil, je vous invite à ne pas cliquer sur les parties indiquées.)

EXPLICATIONS

Tout comme ses prédécesseurs, nous retrouvons la forme typique d’un bon film Alien en 4 actes. La forme classique Hollywoodienne se voulant simplement en 3 actes :  le set-up, la confrontation et la résolution. La saga Alien vient alors rajouter un 4e acte après le moment où l’on pense que la menace est passée. Voilà, pour commencer ce qui permet de dire que la saga Alien n’était pas simplement faite pour le grand public, c’était avant tout une saga travaillée et non pas écrite avec des pieds (et j’y inclus également les Alien vs Prédator 1 et 2 qui furent pour le premier en tout cas co-écrits par les créateurs d’Alien : Dan O’Bannon et Walter Hill).

Alien Covenant n’est pas ce que l’on pourrait considérer comme un mauvais film, loin de là. Ses décors, ses plans et ses couleurs sont travaillés (les paysages au moment de leur arrivée sur la planète sont majestueux et sombres, le travail sur la couleur également rappelle les tons noir et vert des premiers Alien mais également les tons jaune / jaunâtre de ceux de Fincher et Jeunet).

Les plans de la première partie du film laissent également une impression de grandeur autour des personnages, qui eux, semblent minuscules face à un environnement en apparence calme mais qui se révèlera assez rapidement hostile. Comme si ces plans préparaient le spectateur à ce qui allait suivre. Cette impression de grandeur arrive peu à peu, prend le temps de s’installer, tout comme le film qui démarre assez doucement.

Cette notion de petitesse face à l’inconnu va d’ailleurs rapidement entrer en écho avec la question qui plane tout au long du film mais également dans Prometheus, c’est-à-dire : la question de la création. Que cela parte de la simple création matérielle, artistique, a la création divine, le film rejoint son prédécesseur sur la question. On passe donc d’une saga dénonçant le viol (et plus généralement le viol de la matrice. l’Alien en étant la représentation même : son esthétisation sexuelle avec son crâne en forme phallique, sa façon d’attaquer qui consiste à planter répétitivement une mâchoire cachée également de forme phallique, sa reproduction qui demande à enfoncer un tube dans l’orifice buccal afin d’y pondre des œufs…) a deux films qui prennent une dimension « créationniste ». Créant ainsi un parallèle avec Ridley Scott qui souhaite presque revendiquer la création d’une saga, de tout un univers anthologique.

En ce qui concerne la bande originale

Sa Bande Originale est également bien travaillée.

En effet, elle ressort tous les grands thèmes des films, notamment ceux de Jerry Goldsmith et James Horner, en en faisant un mélange assez cohérent. Jed Kurzel alterne donc avec les deux styles : conceptions sonores pures et apparitions du thème classique de la saga. La question musicale des prequels étant assez complexe, notamment s’il n’y a pas eu de continuité dans les auteurs de la saga. Ce n’est pas par exemple le cas de John Williams avec Star Wars qui fit mouche sur chaque film, prit l’initiative même de créer à partir du contenu déjà existant une espèce de brouillon qui formerait ensuite ce qui apparaitrait dans la trilogie. Ici, c’est un tout autre exercice qui s’offre au compositeur.

Mis à part les mélodies tirées en grande partie de Goldsmith (sons de flûte), l’album ressemble à un remake électronique d’une partition orchestrale. Il s’agit de composer une ambiance et non pas une mélodie afin de créer l’angoisse : il utilise des cordes placées dans un cadre glacial, avec des effets saillants, des textures éthérées, il assemble ses notes comme un monteur de la pellicule. Des synthétiseurs sombres et des touches orchestrales fugaces arpentent fermement un territoire d’horreur. Cette grande efficacité, souvent habile, n’empêche par une certaine musicalité, mais lorsque le résultat est réussi, car troublant, il n’en est pas pour autant agréable à entendre hors contexte.

Parfois, il y a des morceaux très convaincants, comme Payload Deployment, une belle séquence électronique, avec un style épuré mais complexe qui évoque Jóhann Jóhannsson, pour un court moment. Une technique anxiogène à souhait, qui fait mouche à l’écran et à l’oreille. Le score est clairement construit pour amplifier les images et maintenir une tension à l’écran. À ce titre, il est vraiment efficace.

Ce qui m’a également posé soucis lors de son visionnage, ce fut qu’à chaque fois que j’arrivais enfin à me mettre dans le film, il y avait toujours un petit quelque chose qui m’en faisait sortir. Que cela parte du simple fait que les personnages (auxquels on ne s’attache pas du tout car presque rien ne les définit) ont tous un agissement de personnage de série Z ou film d’horreur bas budget, autrement dit : abusivement cons. Jusqu’aux innombrables non-senses et incohérences du film… Beaucoup trop de petites choses m’ont fait sortir du film… et c’est bête… vraiment.

SPOILS des exemples :

En ce qui concerne les personnages :

on se souviendra du capitaine qui veut tout de même aller sur la planète, de la grande bataille dans le vaisseau navette avec le beau passage du pied coincé dans la porte, du passage où une des nanas se casse prendre une douche toute seule, et j’en passe…

Quant aux non-senses et incohérences du film :

les voiles du vaisseau qui, si elles ne sont pas attachées ne permettent pas au vaisseau de fonctionner alors qu’elles sont simplement sensées le faire recharger, au signal capté par un petit scaphandre qui est en sortie en dehors du vaisseau, quand le capitaine Daniels passe à plusieurs reprises sous un réacteur sans prendre feu ni se faire exploser contre les constructions alors que l’Alien lui prend feu, ou encore quand l’Alien réussi à casser la vitre de l’engin qui peut aller dans l’espace simplement en lui donnant que quelques coups de tête…

Toutes ces petites choses, m’ont fait complètement sortir du film. Tout comme le fait d’avoir vu beaucoup trop de publicités au sujet de ce film montrant une scène en particulier… Vous l’avez en mille : la scène de la douche.

SPOIL

Tout le film, j’ai attendu cette scène. Et bien sûr, quand le 3e Acte s’est terminé, je suis restée en dehors du film en me disant : « mais la scène de la douche n’est pas encore passée ! », ou encore le fait de voir arriver a 10 000 le twist final concernant David et Walter… voilà ce qui a fini par me ruiner le film.

Puis, le fait d’avoir une impression de déjà-vu m’a également gênée durant le visionnage. Que cela aille de Alien a Résurrection, tous les films ont le droit d’avoir un passage presque de copié-collé ou une référence…

SPOIL

Rien que de voir Daniels qui incarne une Ripley (jusque dans le costume) bien moins charismatique, ou encore le dernier passage où l’Alien est projeté dans l’espace…

ou encore la référence du vaisseau de Résurrection qui s’appelle VSM Origae, même nom que la planète sur laquelle les colons sont sensés se diriger s’appelle également Origae)…

Tout cela ne donne au final qu’un goût amer du 3e ou 4e réchauffage d’une pizza de 5 jours au micro-ondes.

Ce qui est dommage, car Michael Fassbender propose une prestation assez impressionnante puisqu’il incarne à l’écran deux personnages (David et Walter) qui se ressemblent en apparence mais qui sont diamétralement opposés, laissant sur place la simple opposition noir/blanc, gentil/méchant. Ce sont des identités bien plus complexes qui sont proposées mais qui, ne sont pas exploités à leur maximum.

En effet, le film n’arrive pas à cerner, à pointer du doigt ce qui pourrait être intéressant à exploiter, tout ce côté psychologique, la complexité d’une identité, la création d’un individu… tout ceci est passé à la trappe en se contentant des bases simples du : « il méchant car ceci ou cela ». Là où la scène d’ouverture du film propose un cadre avec un sol reflétant la partie visible de l’image, renvoi bien à cette notion du double. David, qui est le personnage qui a un fond bien plus élaboré que Walter et bien plus complexe aurait dû avoir une exploitation de cette notion-là. Le film aurait dû montrer comment ce personnage réussit à acquérir quelque chose simplement parce qu’il réussit à acquérir son opposé (par exemple il acquiert la compréhension de l’amour en même temps que la compréhension de la haine). Et c’est sur ce point-là également que le film se plante en beauté. Il ne laisse pas de fond possible à l’identité complexe et à la psychologie de ses personnages. Ce ne sont que des poupées prêtes à être jetées en pâture à l’alien.

A cela peut s’ajouter le fait que l’on ressort de la séance avec bien plus de questions qu’à son entrée. L’explication que Ridley Scott propose pourrait presque tenir la route mais il ne va pas assez loin ou s’y prend mal. Il se retrouve dans le : soit j’explique beaucoup trop, et mal, soit je n’en dis pas assez et je n’exploite pas assez. Et venant d’un réalisateur tel que Scott, on n’en est que plus déçu. C’est le cas par exemple de la question de la création. En effet, dans Prometheus et Covenant, Ridley Scott veut donner une explication au pourquoi de la création : humaine et xénomorphique.

SPOIL sur la création

Mais si la raison était tout simplement que les « Ingénieurs » avaient créé l’homme car ils le pouvaient ? Tout comme David a créé le xénomorphe parce qu’il le pouvait ? Cela aurait donné une tout autre dimension au film. Mais au final, je ne suis même pas certaine que ce soit ce que les spectateurs recherchaient. Voulions-nous réellement que le monstre légendaire, la créature parfaite ne devienne la simple création d’une création qui créa car elle en avait la possibilité ? Cela enlève tout un pan de sa mythologie. Puis pose également la question de l’œuf et de la poule : en effet, où est la reine ? Cela se retournerait presque contre la saga originale et nierait les Alien Vs Prédator puisque ceux-ci se passent sur Terre en l’an 2000 et David existe en l’an 2100 et des poussières…

 

Mais là n’est pas la question, et déjà beaucoup d’encre a coulé sur ces sujets-là, donc je ne vais pas m’étendre sur le sujet et vous renvoi à tous ces articles qui pullulent la toile.

Ainsi donc, Prometheus se proposait (et voilà comment deux noms de films ne sont pas choisis au hasard) comme le Prométhée de l’univers Alien : un conquérant audacieux qui pour apporter le feu (symbolisant le savoir) aux hommes s’opposa aux Dieux et fût punit (Prométhée étant l’image de la punition éternelle : chaque jour il se fait dévorer les entrailles par l’Aigle du Caucase et chaque nuit renait).

SPOIL

Ici, dieu étant David (faisant également penser à David et Goliath. David qui tua les Ingénieurs et se prépare à tuer l’espèce humaine) qui crée la punition (l’alien) qui tue l’homme et nait de ses entrailles. David pourrait être également Prométhée, puisqu’il est ce conquérant audacieux.

Dans le même style en topologie, Alien Covenant n’est pas choisi au hasard non plus. Covenant est un mot anglais (emprunté au français) signifiant convention, avec le sens de serment, accord, alliance et avec celui d’assemblée. Il s’agit donc de rallier le film bafoué a la saga mythique… mais encore faudrait-il que ce Covenant soit à la hauteur de ses intentions.

 

EN CONCLUSION

Pour résumer, il ne s’agit pas simplement d’un mauvais film de SF fait par Ridley Scott, puisque celui-ci n’est pas foncièrement mauvais. C’est un film passablement moyen devant lequel on passe un bon moment mais qui échoue à s’inscrire dans la mythologie que la saga Alien avait réussi à créer. Et avec tout ce que papi Ridley veut faire de plus avec la saga, on n’a qu’une seule envie, c’est de lui demander de prendre sa retraite.

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